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                   L-J Lestocart, Entendre l’esthétique dans ses complexités, L'Harmattan p.  162-165 
                  Les intérêts  de Duchamp, outre le mathématicien de l’ordre des Minimes Jean-François Nicéron  (1613-1646)  et l’architecte et ingénieur militaire Girard Desargues (1591-1661), inventeur  d'une géométrie infinitiste , se sont  portés sur les ouvrages de mathématique et de philosophie des sciences de Henri  Poincaré . Or,  Poincaré est (on l’a vu) un des premiers scientifiques dans le monde moderne à  avoir parlé de systèmes complexes. Le mathématicien soutient également, dans des  ouvrages comme Science et méthode (1908), des thématiques comme le  hasard (chapitre III : L’invention  mathématique  de Science  et méthode) et même la notion de “ tout fait ” (en anglais ready-made ). Cette notion de tout fait, éblouissement  de l’intuition, sorte d’épiphanie de l’inspiration, qu’il critique en ces  termes avant de s'y “ soumettre ” après un épisode d'insomnie  (Poincaré, 1908, 62-63)  ,  Duchamp la reprendra à son compte en y ajoutant  l’idée d’objet manufacturé (ready-made). Mais Poincaré  déclare également que la géométrie de la vision est inséparable de la  physiologie de la vision et des mécanismes mentaux (on dirait aujourd’hui neuronaux)  qui gouvernent la perception. 
                    C’est bien  dans la lecture de Science et méthode (1908) au chapitre 4 de la première partie intitulée Le hasard, et dans La science et l’hypothèse (1902), chapitre 4  intitulé Espace et géométrie, que Duchamp puise toute son inspiration.  Mais c’est surtout dans La Valeur de la science,autre ouvrage  publié cette fois en 1906, également dans le chapitre 4 (L’espace et ses  trois dimensions) à l’alinéa 2 intitulé Identité  de deux points que l’artiste trouve l’essence de son approche  non-rétinienne . Selon ce  dernier, la seule perception est en effet un moyen inadéquat et confus  d’approcher “ la vraie image ” de l’objet perçu.  Car, comme le  suggère Poincaré (mais aussi Bergson), voir la réalité en se référant seulement  à sa propre perception et son propre entendement est la plus dangereuse de  toutes les illusions. Comme s'il ne s’agissait que d’un code mental à attention  inégale et disproportionnée, qui fait systématiquement glisser l’esprit pour  l’installer d’emblée dans un sens général, un contenu, écartant ainsi du champ  de l’attention la vraie considération pure de la forme ou de l’objet.  
                    Dans Le  Grand verre, resté définitivement “ inachevé ” en 1923, les  éléments de la Mariée sont ainsi analysés, “ mis à nu ”, en  étant tournés en objets et articles manufacturés, en fragments essentiels et  intérieurs sous le regard des Célibataires : l’observateur. La maxime  duchampienne “ Les regardeurs font les tableaux  ” renvoie alors à  l’idée exprimée plus haut à propos de Bergson que la réalité est à construire.  Ce que traduit La mariée est le processus “ mécanique ” même  de la création, une sorte d’hylémorphisme. Soit le “ mouvement  automatique de l'ego subliminal ” que Duchamp commence à représenter avec le  Moulin à café (1911), directement en référence à un épisode raconté par  Poincaré dans Science et méthode où celui-ci a bu trop de café . Duchamp  voit ce Moulin à café comme la clé principale de son œuvre en tant qu’il  désigne le “ travail du cerveau ” dans l’élaboration et la  conception. 
                  Pour cette  re-interprétation de Duchamp, je m’aiderai de l’analyse de Jean-Pierre Chupin, enseignant à l'École  d'architecture de l'Université de Montréal et  responsable du  Laboratoire d’Étude de l’Architecture Potentielle (LEAP) à Montréal .La  question est : qu'est-ce que concevoir ? De l’esprit réflexif, comme chez  Valéry, il s’agit de tracer les objets mentaux internes. Ici, célibataires et  mariée.  
                    La mariée figure la conception (le “ mystère de la conception ” ; mariée =  Marie), flasque et non-structurée, et les célibataires les  analyseurs/observateurs de cette conception. Dès lors c’est le sens qui compte  en tant que vision globale et produit de l’interaction (rencontre amoureuse selon Duchamp) entre l’observateur et le système grâce à l’interdépendance  intrinsèque résidant entre eux. L’observateur se construit ses représentations  mentales. Et ce sont aussi ces représentations que l’artiste montre dans la Mariée  mise à nu … sous  forme de système dynamique discret. Ce qu’on pourrait résumer  ainsi : étant  donnée une condition initiale de l'état du système (œuvre/observateur), le  premier état suivant dans l’œuvre est …, le second état, qui suit immédiatement  le premier, est … et  ainsi de suite, de telle sorte que le n-ième état est …  
                    Les  expressions utilisées, au début de ce livre, au sujet de Valéry, trouvent là  encore toute leur valeur. À l’intuition subjective, privée, des idées  “ claires et distinctes ”, se substitue la mise à l’épreuve  objective, valéryenne, des idées/hypothèses sous forme de machine à penser  (symbolisée par les broyeuses de chocolat qui apparaissent là,  peut-être comme le “ moulin à café ”, en tant que générateurs  primaires de pensée).  
                    La  conception ne consiste donc pas uniquement en une résolution des problèmes  après une analyse de la situation. Elle s'accompagne nécessairement de  dynamique (interne), de mouvement circulaire (Moulin à café, 1911 ; Nu descendant un escalier n° 2  ; Roue de bicyclette, 1913)  et doit se présenter sous forme de modèles cinétiques (Rotative plaque verre,  1920 ; Rotative demi-sphère, 1924   ; Rotoreliefs , 1935.  Rotations se dévoilant finalement, explicitement, sous forme de structure  hélicoïdale qui, devant les yeux, devient spirale (escalier en spirale du Nu  descendant un escalier n° 1 de 1911) et métaphore développante de la  spirale avec Anemic Cinema  (1925-26). Mais  comment de telles formes émergent et peuvent ainsi se déployer ? Selon  Chupin, cette modélisation particulière, on la retrouve exprimée chez  l’ingénieur Leonard  Bruce Archer, parmi d'autres, comme le sociologue américain John Zeisel  (Zeisel,1981 ).  
                    Archer,  dirigeant l'Industrial Design (Engineering) Research Unit au Royal College of  Art, décrit en 1969, dans The structures of the design process , le processus  de la conception (design process) dans les arts, les sciences humaines et les sciences,  comme un véritable programme : une collection de  “ data-analyse-synthèse-développement-communication ”. Ce programme,  servant de méthode systématique pour les designers, se présente sous forme d'un  dispositif comprenant plusieurs plans, traversés par une forme hélicoïdale –  une spirale selon Zeisel (Zeisel,1981, 14) – , sorte de vis sans fin, routine  réitérative se présentant sous la forme de répétition d'activités construisant  des “ boucles récursives ” d'apprentissage des problèmes, des  solutions proposées et des critiques de celles-ci (soit formation d'images,  présentation et test). Ainsi se bâtit à travers le processus une sorte  d'auto-apprentissage ou d'auto-éducation, via la répétition d’étapes variées au  sein du processus de création par lesquels le concepteur acquiert du savoir et reconceptualise sans cesse – se rapprochant par-là de l’analyse de Piaget sur la naissance de  l’intelligence chez l’enfant – , son projet en réponse aux nouvelles  informations reçues et à ses intuitions. Le concepteur se fait donc aussi  auto-organisateur de sa conception.  
                    Dans le cas  de Duchamp, la fameuse phrase “ Les regardeurs font les tableaux ” a dès  lors plusieurs sens. 1) Les regardeurs/spectateurs extérieurs sont ceux qui  font les tableaux  par leur interprétation et leur participation  (active/non-active) à la création. 2) Les regardeurs “ rétiniens ”  figent les œuvres, en font des tableaux. 3) Les regardeurs sont plutôt des  constituants internes de la machine et veillent à la bonne marche ; ici on peut  évoquer l' “ équilibre ” du système. 4) Les regardeurs sont  enfin l'artiste lui-même ou plutôt un concept auto-organisateur (qui devient  proprement le récit du Grand Verre) et qui “ voit ” l'œuvre et  la découvre en même temps qu'il la réalise en un auto-apprentissage. Et sa  vision non-rétinienne (donc son cerveau) devient l'œuvre elle-même, qui se  déploie dans sa réflexivité quand il “ prend en compte la  situation ”, en une vis sans fin, et dont il devient le validateur  critique. 
                    La création artistique n’a donc rien à voir avec  la simple élaboration manuelle d’une œuvre. Mais elle est travail d’un esprit  réflexif (l’adverbe même dans La Mariée mise à nu par ses  célibataires, même suffit à le démontrer) qui se produit en même temps  qu'il se représente, sous forme d'une “ machine probabiliste ” (en trois,  quatre, voire n dimensions) distribuant (par le fait du hasard) espaces et  visuel. Tout comme pour celui qui interprète, les transformations des “ pensées  ”, la signification en train de se faire paraît plus importante que  toute conception ou signification “ structurée ” . 
                  L-J Lestocart, Entendre l’esthétique dans ses complexités, p.  162-165.  
                    
                  L’algorithme CSSR (Causal-State Splitting  Reconstruction algorithm) 
                    La dernière étape de ce qui pourrait bien établir un “ second  ordre de la Complexité ” comme il y a eu une cybernétique du second ordre (second-order  cybernetics) avec Heinz  von Foerster vers 1960,  naît au tournant de ce XXI° siècle. Les recherches de physique et de dynamique  chaotiques à l’Evolving  Cellular Automata Project and the Computation, Dynamics and Inference group  (Santa Fe Institute) de Cosma Rohilla Shalizi ont abouti à la création d’un nouvel algorithme, le CSSR  (Causal-State Splitting Reconstruction). Prolongeant l’apport de Crutchfield,  le CSSR vise à établir, via la complexité statistique, le lien entre entropie et causalité. Il exploite les propriétés entropiques d’un système pour à la  fois y construire et en extraire la dynamique discrète de modèles de Markov cachés (Hidden Markov Models, HMMs).  Ces modèles HMM, étant récursifs dans des séries temporelles ou chronologiques (time series) à valeur discrète (t, t+1, t+2, ...), sont proprement les états causaux  fondamentaux pour les processus d’un système .  L’emploi de cet  algorithme CSSR produit  de fait la construction de facteurs prédictifs non linéaires au sein de ces  séquences discrètes donnant une prédiction idéale à partir de données produites  par les processus stochastiques. Chaque état fini d’HMM spécifie un langage régulier fini dont  les états conventionnels de HMM manquent. Tout se passant comme si le niveau  jusque-là physique passait à un autre type de structure, une structure  catégorielle appartenant au niveau linguistique (linguistique chomskienne).  
                    La théorie  en toile de fond de cet algorithme conférant des propriétés prédictives  importantes d'optimalité que les mesures classiques comme celles de l’entropie  et les définitions algorithmiques de la complexité ne peuvent donner, a été  développée par Cosma Shalizi qui a mesuré avec Kristina Lisa Klinkner (devenue  Kristina Shalizi) du Statistics  Department,  University of Michigan (Ann  Arbor), travaillant, sous le patronage de Crutchfield, sur les  procédures d’auto-organisation d’automates cellulaires cycliques soumis à des  conditions initiales aléatoires (Shalizi & Shalizi, 2004). Le CSSR  permet de filtrer  automatiquement les configurations changeantes des systèmes dynamiques spatiaux  pour y détecter des corrélations provenant d’un mécanisme inconnu et en  extraire des propriétés qualitatives, en forme de structures logiques  (particules  et autres structures plus compliquées). En l’ “ appliquant ”,  on s’aperçoit que les motifs détectés, difficiles à suivre dans le champ brut,  deviennent clairement visibles dans le champ de complexité après  l’application du filtre. Ce dernier génère dès lors plusieurs genres différents  de structures spatiales  à la fois rendues détectables et porteuses d’information. Nouvel  outil de la théorie de l'information,  le CSSR calcule la teneur dynamique en information de processus  aléatoires se déployant dans l’espace ; parvenant ainsi à quantifier les  longueurs variables des chaînes de Markov. 
                    Ces états causaux, de “ prescience  maximale ”, relèvent de la complexité statistique ; cette complexité  résidant dans la difficulté de prédire le futur, si ce n’est en  “ manipulant ” le passé du système . On définit  alors cette complexité comme la somme des informations présentes dans les  “ états causaux ” (groupes) du système ; soit l’équivalence des classes  relevant du passé dans un système qui produit la même distribution de ses états  futurs. Selon Shalizi, la complexité statistique est ainsi devenue proprement  “ mesure ” de l’auto-organisation (Shalizi, 2001). On dira  qu’un système s’auto-organise lorsque sa complexité statistique augmente sans  cesse. Le terme “ états causaux ” désigne l’information minimale  (c’est-à-dire la mémoire que le système utilise pour produire de nouvelles  valeurs) en partant  de phénomènes strictement de bas-niveau (lower level), seulement  nécessaire pour “ prédire le futur ” (observation de haut-niveau, upper level)) de façon optimale.  
                    Le but de chercheurs comme Shalizi et Crutchfield est de  rendre les évolutions d’un système “ incrémentales ” (amélioration et affinement  constants de ses données), de façon à ce que de nouvelles  observations puissent être prises en compte, au fur et à mesure qu’elles  arrivent à notre connaissance. Il s’agit donc d’éliminer complètement le bruit dans  l’information en augmentant la longueur de la série temporelle. Le  système calcule ainsi son “ futur ” intrinsèque seconde par  seconde . On dit  qu’il s’auto-organise quand sa complexité statistique s’élance dans le futur,  vers le bord du chaos. (Shalizi, Shalizi & Haslinger 2004). 
                    Cette notion d’états de la machine basée sur un système passé est donc utilisée pour prédire son futur .  Qui plus est, ainsi qu’on l’a dit, une information minimale à partir de phénomènes strictement  de bas-niveau est seulement nécessaire pour “ prédire le futur ” (observation de haut-niveau).  Cette prédiction/observation s’effectue en effet via la downward causation que  nous avons définie plus haut (“ the variables describing emergent  properties must be fully determined by lower-level variables ” (Shalizi,  2001). Ce qui peut s’interpréter en tant que dépendance informationnelle entre niveaux. Comme  si un processus automatique (bottom-up) où les haut – et bas-niveaux en tant qu’observations  simultanées du même processus sous-jacent, conférait  une nouvelle vision essentielle des choses qui nous entourent. Ici commence  aussi peut-être ce qu’on nomme imaginaire ou création ou encore  “ intelligence ”. Le bas niveau pouvant se rapporter au cerveau de l’observateur, le  haut-niveau au Réel à la fois passé, présent et futur. On parle alors de  “ stigmergence ”. Il s’agit d’un changement de point de vue majeur  qui, dans le domaine de l’observation, crée de nouvelles voies interprétatives ;  y compris dans les champs épistémologique et esthétique. Ces recherches  aboutissent d’une certaine façon à mettre en scène, la pensée  “ mécanique ” de l’esthétique voire du sentiment esthétique, cet idéal dont nous  ne connaissons que des reflets épars. Elles décrivent également de manière non-linéaire la perception  et l’entendement de l’observateur. 
                  L-J Lestocart, Entendre l’esthétique dans  ses complexités, p. 157-160 
                  
                    
                        Nicéron dans Thaumaturgus  opticus (1646) rend compte de la catoptrique classique (effets obtenus par  réflexion à partir de miroirs plats, cylindriques et coniques). Il est aussi  l’inventeur et théoricien des anamorphoses. 
                     
                    
                        À ces intérêts,  on doit ajouter le graveur Abraham Bosse ou le célèbre père jésuite Athanasius  Kircher (1601-1680) ), pseudo-inventeur de la “ lanterne magique ” et  le Traité élémentaire de Géométrie en quatre dimensions du  mathématicien Élie Jouffret auquel l'artiste emprunte le concept d'  “ épanouissement ” comme extension dans une autre dimension. 
                     
                    
                        Henderson, L. D.  (1983). The Fourth Dimension  and Non-Euclidean Geometry in Modern Art, Princeton: Princeton University Press, p. 117-163.  Voir aussi Henderson, L. D. (1998). Duchamp in Context : Science and Technology in  the Large Glass and Related  Works, Princeton: Princeton University Press, p. 72, 188. À cela peut  d’ailleurs s’ajouter l’intérêt, comme ses contemporains, pour la géométrie  non-euclidienne et la mathématique  non-linéaire  de Lobatchevski et Riemann (bien qu'il déclare en une interview de 1961 qu'il  ne les a “ pas lus ” réellement), l’électromagnétisme de Maxwell, les  ondes hertziennes et les rayons X (découverts par le physicien Wilhem Conrad  Rœntgen en 1895). Il est à peu près sûr qu'il ne va pas jusqu'aux théories de  la Relativité d'Einstein et de la physique quantique d'Heisenberg. Cependant le  champ couvert par l’artiste demeure assez vaste, puisqu’il approfondit, sur les  notes préparatoires au Grand Verre, à la fois la chimie, la mécanique  classique, la thermodynamique, le mouvement brownien, la radioactivité et la  théorie atomique ; notions qui donnent toute sa cohésion à l'exécution de  cette œuvre. 
                     
                    
                        Conférence faite  à l'Institut général psychologique le 23 mai 1908. Réimpr. In Revue  générale des sciences pures et appliquées, 19, 1908, p. 521-526. 
                     
                    
                        Duchamp  utilisera les deux expressions “ tout fait ” et  “ ready-made ” dès 1915-1916. 
                     
                    
                        “ Il n’arrive jamais que le travail inconscient nous fournisse tout  fait le résultat d’un calcul un peu long, où l’on n’a qu’à appliquer des règles  fixes. On pourrait croire que le moi subliminal, tout automatique, est  particulièrement apte à ce genre de travail, qui est en quelque sorte  exclusivement mécanique. Il semble qu’en pensant le soir aux facteurs d’une  multiplication, on pourrait espérer trouver le produit tout fait à son réveil,  ou bien encore qu’un calcul algébrique, une vérification, par exemple, pourrait  se faire inconsciemment. Il n’en est rien, l’observation le prouve. ” 
                     
                    
                        Clair,J.  (2000). MarcelDuchamp et la fin de l'art, Paris: Gallimard. Ainsi  déclare Poincaré : “ […] si l’on ne faisait intervenir que les  sensations rétiniennes, on obtiendrait “ l’espace visuel simple” qui n’aurait  que deux dimensions. D’un autre côté, envisageons l’espace tactile, en  nous bornant aux sensations d’un seul doigt, c’est-à-dire en somme l’ensemble  des positions que peut occuper ce doigt. Cet espace tactile que nous  analyserons dans le paragraphe suivant et sur lequel je demanderai en  conséquence la permission de ne pas m’expliquer davantage pour le moment, cet  espace tactile, dis-je, a trois dimensions. Pourquoi l’espace proprement dit  a-t-il autant de dimensions que l’espace tactile et en a-t-il plus que l’espace  visuel simple ? C’est parce que le toucher ne s’exerce pas à distance,  tandis que la vue s’exerce à distance. ” (La Valeur de la science). 
                     
                    
                        “ Un soir, je pris du café noir contrairement à mon habitude ;  je ne pus m’endormir ; les idées surgissaient en foule ; je les  sentais comme se heurter, jusqu’à ce que deux d’entre elles s’accrochassent  pour ainsi dire pour former une combinaison stable. Le matin, j’avais établi  l’existence d’une classe de fonctions fuchsiennes, celles qui dérivent de la  série hypergéométrique ; je n’eus plus qu’à rédiger les résultats, ce qui  ne me prit que quelques heures. ” Poincaré, H  (1908). Science et méthode,  Paris: Flammarion, p.10. 
                     
                    
                        Chupin, J-P.  (2002). “ ‘La Mariée mise à nu …’ (à propos de l’enseignabilité des  modèles de la conception) ”. In Cognition et Création.  Explorations cognitives des processus de conception, M. Borillo and J-P. Goulette (eds.),  Paris: Mardaga, p. 65-95.  
                     
                    
                        Raisonnement ou suite logique qu’il traduit  ironiquement par l’environnement sculptural érotique Etant Donnés: 1. La  chute d'eau, 2. Le gaz d'éclairage. (1944-1968). 
                     
                    
                        “ J'ai fait  une petite chose qui tournait, qui faisait des tire-bouchons comme effet  visuel, et cela m'a attiré, pour m'amuser. J'ai d'abord fait ça avec des  spirales... même pas des spirales, c'étaient des cercles excentriques qui  s'inscrivaient l'un dans l'autre formant une spirale, mais pas au sens  géométrique, plutôt celui de l'effet visuel. ” Cabanne, P. (1967). Entretiens  avec Marcel Duchamp, Paris: Belfond. Rééd. Paris: Somogy, 1995. 
                     
                    
                        Duchamp  considère ses Rotoreliefs comme un jouet. Il s'agit de douze motifs très  graphiques à base de spirales, imprimés au recto et au verso de six disques de  papier fort. Placés sur le plateau d'un phonographe ils donnent en tournant  l’illusion de formes en 3D : boules, cônes, hélicoïdes ...  
                     
                    
                        Film muet en  35mm durant 7 minutes en noir et blanc et réalisé en collaboration avec Man Ray  et Marc Allégret. Anemic Cinema est une apothéose de la rotation : 7  minutes de plans fixes montrent successivement 19 disques rotatifs. 
                     
                    
                        Zeisel, J.  (1981). Inquiry by Design: Tools for Environmenta-Behavior Research, Cambridge: Cambridge University Press. 
                     
                    
                        Archer, B.  (1969). “ The Structure of the Design Process ”. In Design Methods  in Architecture, A. Ward and G. Broadbent (eds),  AA Paper N° 4. 
                     
                    
                        Valéry que nous avons évoqué plus haut est  important, en ce sens qu’il s’agit bien là aussi d’un travail de l’esprit qui  se réfléchit, se représente lui-même avec une obstinée rigueur. Il semble que  s’il peut y avoir du “ sacré ” c’est bien dans cette “ inscription corporelle de  l’esprit ”. 
                     
                    
                        Le plus souvent,  dans des situations complexes, l'on ne connaît qu'une partie des phénomènes en  jeu et donc des paramètres. On parle alors de  modèles de Markov cachés ou automates  de Markov à états cachés. Soit des chaînes de Markov dont l'état n'est pas observé  directement, mais qui doit être estimé à partir d'observations bruitées.  Contrairement aux statistiques classiques où chaque observation est  indépendante des autres, les observations sont reliées ici par une structure  cachée qui conditionne la valeur de l'observation suivante. Généralement le  modèle du phénomène caché HMM est connu de façon d'autant moins certaine que la  situation analysée est complexe. Il est difficile à étudier car les calculs  explicites y sont impossibles. On essaie alors d'améliorer la connaissance et  la description du modèle à travers les observations en comparant, par des  méthodes bayésiennes (combinaison des probabilités pour une estimation des  états), l'observation recueillie avec la prédiction qui en est faite par le  modèle. Ces chaînes de Markov  cachées constituent un formalisme universel dans la hiérarchie des formalismes  stochastiques, au même niveau que la machine de Bernoulli-Turing. 
                     
                    
                        Dans le monde  des automates cellulaires, on parle souvent de particules ou de signaux (qui forment des lignes discrètes sur les diagrammes espace-temps). 
                     
                    
                        Soit les statistiques suffisantes et minimales de ce  passé. 
                     
                    
                        La prévision  future découlant de l’utilisation d’une  partie connue au sein d'une série temporelle. Mesurer le nombre  d’informations présentes dans le passé du système revient à prédire le futur de  celui-ci. Bien plus, tous les états possibles d’un système sont pris en compte  par des cônes de lumière (light-cones) ou cônes espace-temps (passés et futurs) de façon à ce que  n’importe lequel des prédicteurs dupliquerait l’information déjà présente dans  les états causaux. Il semble que le terme light-cones pour analyser les  processus stochastiques dans l’espace soit dû à Kolmogorov, qui les appelle  alors “ jeux causaux ”  dans le contexte d’un modèle de cristallisation. Shalizi, C.R. & Robert  Haslinger, R &  Rouquier, J-B &  alii (2006). “ Automatic Filters for the Detection of Coherent Structure  in Spatiotemporal Systems ”.  In Physical  Review, vol. 73, Issue 3. 
                     
                    
                   
                    
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